Jour et Nuit


Le soleil,
le bourreau,
la poussée des masses,

la routine de mourir
et mon cri de bête blessée
et c'est ainsi jusqu'à l'infini des fièvres
la formidable écluse de la mort bombardée
par mes yeux à moi-même aléoutiens
qui de terre de ver
cherchent parmi terre
et vers tes yeux de chair de soleil
comme un négrillon la pièce
dans l'eau où ne manque pas de chanter la forêt
vierge jaillie du silence de la terre
de mes yeux à moi-même aléoutiens
et c'est ainsi que le saute-mouton
salé des pensées hermaphrodites
des appels de jaguars
de source d'antilope de savanes
cueillies aux branches
à travers leur première grande aventure :
la cyathée merveilleuse
sous laquelle s'effeuille
une jolie nymphe
parmi le lait des mancenilliers
et les accolades des sangsues fraternelles.


Aimé Césaire,
Les armes miraculeuses, 1946 (extrait)